mercredi 2 septembre 2015

La fille au tatouage en forme de dragon est revenue : Millénium, acte 4.

La trilogie Millénium de Stieg Larsson a été un succès publique et critique, un tsunami littéraire venu du froid (la Suède) auréolé d'une aura un peu spéciale : l'auteur a remis les manuscrits des trois romans à son éditeur et est ensuite décédé d'une crise cardiaque avant même la sortie du premier tome.

Avant de rédiger cette critique, je me suis posé la question :
« Dois-je parler de la polémique ? ».
Car polémique il y a. Larsson vivait depuis des années avec une femme,Eva Gabrielsson mais le couple n'avait pas d'enfant et n'était pas marié. En vertu de la loi suédoise, elle a été écartée de la succession , les droits revenant au frère et au père de Stieg Larsson. Et 10 ans après la sortie du dernier tome ( 7 ans chez nous), les ayant-droits ont commandé une suite à l'auteur David Lagercrantz. D'où polémique.

Mais d'un point de vue légal, les Larsson ont le droit de le faire et l'on fait. Ce qui nous amène à la sortie de ce quatrième tome : «  Ce qui ne me tue pas » , titre inspiré de la fameuse phrase de Nietzsche et donc premier titre de la saga à ne pas être pleinement original. Je dis saga car ce qui est désormais une tétralogie ( oui, quadrilogie est un mot qui n'existe pas, une faute qui s'est répandue comme un virus) est sans doute bien parti pour se voir pousser de nouveaux tomes dans un futur plus ou moins proche.

Mikael Blomkvist, le journaliste star de la revue Millénium, qu'il a co-fondée, va mal. Les attaques dans la presse à son encontre ont affaibli son journal dont certaines parts ont été rachetées par un puissant groupe industriel. Mikael aurait bien besoin d'un scoop pour se remettre en selle et fissa. Et puis Mikael tire un peu la gueule, cela fait un long moment que Lisbeth Salander, la hackeuse formidable et rebelle avec qui il a vécu tant d'aventures est injoignable pour Dieu seul sait pourquoi.

Frans Balder est un informaticien de génie. Ses travaux sur l'intelligence artificielle chez Solifon, une entreprise américaine, sont très avancés mais ce dernier décide de quitter les USA avec ses travaux (légalement propriété de son employeur) et de récupérer son fils autiste dont il a perdu la garde. Craignant pour sa vie après une série d'alertes émanant de la Säpo, il contacte un journaliste pour balancer des infos.Un journaliste en recherche d'un scoop pour se remettre en selle.

Lisbeth Salander, la fille au tatouage de dragon, vient de réussir un coup incroyable : pirater la NSA. Mais derrière ce coup d'éclat, n'avait-elle pas un but caché ?

Comme dans tous les polars depuis l'invention du concept, les intrigues vont se croiser et se lier, souvent à cause du pire. De rebondissements en utilisations de la mythologie instaurée par Larsson, l'intrigue avance!

David Lagercrantz n'est pas Stieg Larsson. Et la comparaison ne joue pas en sa faveur. Il est dès lors compliqué de chroniquer pour ce qu'il est un ce roman surfant sur un illustre héritage tant qualitatif que quantitatif ( des pavés de près de 800 pages contre 500 ici ).

Le style, sans être mauvais, est tout à fait honorable mais sans âme. C'est une écriture passe-partout plus travaillée qu'un Marc Lévy, Guillaume Musso ou Ana Gavalda mais cela reste dans le seul domaine de l'efficacité. Et c'est très efficace.

L'intrigue, par contre prend, son temps pour se mettre en place, presque la moitié du roman pour que les pièces se mettent en place. Et là, tout s'enchaîne. L'enquête n'est que semi labyrinthique (on est loin de " Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", tome qui inspira "The girl withe the dragon tatoo" de David Fincher)  bien que finement troussée et , encore une fois, emprunte d'une efficacité certaine. Mais cela va trop vite : les personnages, bien que respectés dans leur psychologie, semblent par moment sacrifiés au profit de l'intrigue, comme si elle seule importait vraiment.

Certains passages semblent trop simples dans leur narration , certaines coïncidences trop grosses
(putain, tout le monde connaît tout le monde en fait, c'est super-pratique) et certaines références à la pop-culture super-héroïque sont un peu maladroites et les personnages sont trop extrêmes, un peu comme si l'auteur en avait fait une caricature d'eux-mêmes : les gentils sont trop gentils, les salauds trop salauds. Le côté manichéen est un peu trop présent et les personnages sont des vrais super-héros : toutes leurs capacités exposées dans les tomes précédents ont évolué en vachement mieux. Lisbeth n'est plus seulement une dure à cuire, cette fille est désormais increvable.

C'est donc un roman agréable, efficace et rythmé ( différents rythmes dont la transition se fait sentir comme une cicatrice : c'est calme puis ça bouge mais pas de milieu) , qui ne fait pas injure aux personnages ni à la série mais qui en est clairement le canard boiteux. Comme une greffe qui prendrait mais dont personne ne serait dupe sur la nature.

L'auteur se ménage des pistes pour des suites en cas de succès , succès qui semble déjà au rendez-vous, la trilogie ayant été un phénomène comparable à Harry Potter (mais avec moins de volumes et moins de fans, le public visé est clairement adulte et pas l'histoire pas ciblée vers d'autres couches de la société).

Au final, ce roman ne tue pas la saga mais ne la rend pas plus forte pour autant. À réserver aux fans donc, aux fans qui ne crissent pas des dents que quelqu'un d'autre que Larsson fasse joujou avec Mikael et Lisbeth bien entendu.

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