vendredi 4 novembre 2016

L'enfer, c'est Ron Howard.

Aujourd’hui, on se penche sur le cas Ron Howard alors que sort son dernier film en date, Inferno,
adaptation d’un roman de Dan Brown.
3éme opus cinématographiques des aventures de Robert Langdon, Inferno se place dans une mouvance qui aura phagocyté l’année 2016 : l’année des suites que personne ne veut et que le public boude ( mais comme elles sont produites avec un petit budget qui se rembourse vite, Hollywood n’en prendra aucune graine : bref, ce ne sont pas les bides de Zoolander 2, le retour de Bridget Jones ou encore La chute de Londres qui viendront empêcher les studios d’user des cordes déjà bien abîmées ) .

Ron Howard n’est pas un cinéaste particulièrement doué. Appliqué certes, mais sous certaines conditions. Donnez-lui un bon scénario et il en fera un bon film : Frost/Nixon,Rush et In The Heart of Sea en sont les derniers exemples probants dans sa filmographie. À la rigueur, les deux premiers tiers de Anges & Démons. Avec Inferno , son incapacité à transcender des histoires par la virtuosités de sa mise en scène est évidente. Et soporifique.



Le film s’ouvre sur le discours apocalyptique de Bertrand Zobrist ( un nom de méchant de James Bond,nous y reviendrons) qui est convaincu que l’humanité va causer la perte de l’humanité et qu’il faut donc la purger fissa.
On embraye ensuite sur la fuite du monsieur pourchassé par Omar Sy. Zobrist se suicide sous ses yeux pour ne rien révéler du virus mortel qu’il aura créé , mouhahaha. Bref, une menace mondiale se prépare et 007 est occupé ailleurs apparemment. ( notons ici que les méchants ne sont pas hypocrites : on ne parle jamais de vaccin contre le virus qu’ils auraient pu fabriquer, ils participent de leur plein gré à la loterie virale qu’ils veulent déclencher, et ça, quelque part, c’est beau).
Problème : la logique sous-jacente du discours du vilain mort dès le début est si correcte que je n’avais qu’une envie : que les héros échouent.
C’est mal parti pour créer du suspens quand on sait qu’Hollywood ne fait jamais gagner les vilains, on peut même pas renverser la logique narrative et être anxieux pour les antagonistes, diantre ! Mais que vient faire le personnage de Tom Hanks dans cette histoire qui sent bon le navet Mission :Impossible 2 ? ( pardon Tom Cruise, mais c’est vraiment pas le meilleur de ta petite saga).

Robert Langdon se réveille dans un hôpital de Florence. Désorienté et partiellement amnésique, il apprend par la doctoresse qui le traite, Sienna Brooks (la sublime et très british Felicity Jones), qu’on lui a tiré dessus. C’est à ce moment qu’une policière arrive et tire dans sa direction.  Sienna a juste le temps d’attraper Langdon et de s’enfuir avec lui. Pourquoi Langdon est-il en Italie et qui en veut à sa vie ?

Faites qu'Inferno soit la fin. Putain , sérieux, ça urge là.

Aaaaah, l’amnésie. Après un vilain de James Bond, voila le point de départ d’un Jason Bourne ( les J&B ont le vent en poupe et le scénariste en a trop bu ). Bien que déjà-vu, ce genre de point de départ permet de plonger le spectateur in media res en même temps que le héros, facilitant l’empathie. Mais ce procédé n’a qu’un temps de vie limité quand le héros a la personnalité limitée de l’icône d’aide de Microsoft Word. Mais si, vous savez, ce trombone géant qui a toutes les réponses à vos questions ! Langdon, c’est ça ! Ce prof de symbologie ( matière fictive mais qu’il serait sans doute intéressant d’inventer) ne sert qu’à l’intrigue d’aller d’indice en indice pour faire avancer le récit. Là où les films policiers progressent de la même manière en obligeant le héros à cogiter, Inferno ( comme ses prédécesseurs ) est juste un jeu de piste tenant autant du jeu de l’oie que de L’art pour les nuls. Encore et toujours la même recette. Dan Brown est une arnaque et ne plus faire partir du zeitgeist met ce fait en avant de manière spectaculaire même chez les fans de la première heure ( vous en connaissez encore beaucoup qui se vante de suivre l’auteur ? ) .



Et la réalisation de Ron Howard n’arrange rien. Assailli de cauchemars, Langdon est parfois plongé en plein enfer visuel. Mais Howard , en s’emparant d’un tel matériau, n’arrive qu’a en tirer des images sans génie ou folie visuelle. On illustre bien sagement l’enfer de Dante que Botticelli avait mis en image. Sans créer aucun malaise chez le spectateur parce que hé, c’est tout public après tout ( il faudra d’ailleurs un jour m’expliquer pourquoi les musées qui exposent ce genre de peintures plusieurs fois centenaires sont accessibles pour les têtes blondes mais que le cinéma doit rester prudent. Il y a là comme une schizophrénie artistique tirant vers le bas , bravo le mauvais cinéma de donner raison aux détracteurs du 7éme art américain).

Le montage ultra serré et cut permet de suivre les 45 premières minutes sans réel déplaisir, le rythme et le petit mystère permettant de tenir le spectateur en éveil. Mais une fois que tout ralentit pour raconter enfin une histoire, un nuage de xanax flotte soudain dans la salle. Et là, l’esprit s’égare et se pose une question vitale : comment , par Jupiter et ses roubignoles, la belle Felicity Jones peut-elle courir sans arrêt avec des semelles plus compensées que celles de Nicolas Sarkozy ? Tout ça rappelle follement Jurassic World et Bryce Dallas Howard (tiens, la fille du réalisateur qui nous occupe actuellement, coïncidence ? ) qui courait dans la jungle en talons hauts.
Mais ce n'est là qu'un des illogismes qui parcourent le film : les revirements de situation concernant certains personnages ont été pensé pour surprendre les lecteurs, pour leur proposer autre chose que ce qu'ils ont lu. Mais en changeant certains éléments , plus rien n'a de sens !
Et en parlant du livre, si vous ne l'avez pas lu, je vous mets au défi de me dire ce qu'il advient de Ignazio, l'ami de Robert conservateur de musée. On lance des pistes narratives mais on ne les résout pas. Il y a plus de trous dans ce film que dans une victime du Punisher un soir où la Kalach le démange comme un malade !




Génie de l'inventivité dans les scènes d'actions : ça court partout, tout le temps. 


Au milieu de ce marasme, une lueur d’intérêt : le personnage interprété par Irrfan Khan, genre de James Bond passé au privé qui aurait monté sa propre boîte et dont la classe et l’humour font toujours mouche. Seul acteur a avoir conscience de la bêtise ambiante, Khan joue avec un réel plaisir et un second degré salvateur qui font du bien. Mais c’est peu pour dépenser son pognon en achetant un ticket de cinéma. Allez, faites-en bide, que Langdon rejoigne Benjamin Gates dans les limbes des chasses aux indices ridicules.


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